Presente comme « immersif et olfactif », le dernier meeting de Jean-Luc Melenchon, qui s’est tenu le 16 janvier dernier a Nantes, a prouve une nouvelle fois la capacite du leader en France insoumise (FI) a avoir un coup d’avance sur ses concurrents dans la mise en spectacle de sa campagne.
Mais le deploiement de dispositifs technologiques n’est-il jamais enfin contre-productif ?
Ce pourrait etre le soir transhumaniste a Notre mode en emplie conference TED. Debout au c?ur d’une foule, il designe une planete, qui se deploie dans un somptueux panorama a 360 degres au milieu de notre galaxie. Notre spectacle reste enchanteur, des etoiles semblent penetrer la salle. On voudrait jouir eternellement « du silence eternel de ces espaces infinis » mais le tribun laisse peu de place a toute forme de meditation pascalienne. Cela nous cause de Gutenberg, de Gagarine, de l’espace au-dela des biotopes, celui que nous avait predit des le XVIe siecle le dominicain Giordano Bruno. Cet espace depuis lequel nous pourrions, enfin, embrasser notre humaine condition, par-dela toutes les cases identitaires dans lesquelles « d’autres » (suivez mon regard) souhaiteraient nous enfermer.
Cet homme, c’est le candidat d’la France Insoumise a l’election presidentielle 2022, Jean-Luc Melenchon, au cours du meeting « immersif et olfactif » organise avec ses equipes de campagnes a Nantes, le 16 janvier janvier soir. Je n’y etais jamais, je ne pourrais donc malheureusement gui?re vous dire, chers lecteurs, quelle odeur a l’espace (et pourtant, il semblerait qu’il en ait une ! ), mais j’ai fera part des quelques dizaines de milliers de personnes rivees devant la retransmission en direct de l’evenement dans YouTube.
Vous devez reconnaitre a Jean-Luc Melenchon un certain art de la mise en scene, et une capacite assez impressionnante a faire evoluer celui-ci aux gre des evolutions technologiques. Peut-etre avez-vous i nouveau en memoire, tel moi, des faux hologrammes ayant permis, en avril 2017, au candidat d’organiser 1 meeting simultanement dans sept villes differentes. Autres temps libre, autres m?urs : 5 ans plus tard, les hologrammes sont un brin old school, alors place a l’odorama et a la technologie ScreenX. Une technologie un brin foireuse – on sent d’ailleurs le candidat legerement depasse par le dispositif cosmico-immersif dans lequel il est plonge mais, je trouve, il faut lui reconnaitre le merite de tenter d’innover. Et surtout, de continuer d’y croire.
Est-ce que l’effort tech paie ?
Mais de bdsm com croire en quoi, exactement ? A l’effort de campagne. Eh oui, cette notion qui ne parait pas avoir survecu a la pandemie ou a la deliquescence de une personnel politique (les deux options se tiennent). « Ils paraissent rares Di?s lors », me confiait recemment le journaliste et essayiste Laurent-David Samama (qui collabore regulierement a Usbek & Rica) dans le cadre de notre conversation WhatsApp “Call Pol”. Melenchon et ses equipes, je peux en temoigner, croient tres fort a toutes les dynamiques, au retournement de l’opinion grace a toutes les meetings ».
Mais est-ce que l’effort paie ? C’est la question que je ne pouvais m’empecher de me poser en regardant ce meeting. Et j’ai compris ce qui n’allait jamais justement : je regardais le meeting, je ne l’ecoutais jamais. Tout au plus etais-je vaguement amusee par l’immersion proposee, prise malgre moi dans une mecanique d’entertainment face a cette gadgetisation high tech une campagne. J’ecris pourtant Afin de un media prospectif, je constitue donc – au moins sur le papier – la cible ideale face a ce type de dispositif. J’aurais d’ailleurs meme pu titrer cet edito : « Enfin, le turfu s’invite dans la campagne ! » Et pourtant, j’ai ete beaucoup plus emue par le chant feministe inaugurant le « spectacle » que avec des dispositifs immersifs spectaculaires scandant le propos de Jean-Luc Melenchon. Bref, via un simple filet de voix, terriblement humain, deroulant la misere d’la condition feminine.
Quelques heures apres, mes fri?res ex-trotskiste (aparte : avez-vous remarque qu’il n’y a plus que des « ex » chez les trotskistes ?) me contait avec melancolie nos meetings de Lutte Ouvriere ou du NPA auxquels il avait pu participer. « Il y avait votre style fascinant », me disait-il : on etait en 2017–2018, mais ils chantaient l’Internationale, a capella, a Notre fin de chaque meeting. Comme 1 seul homme, toute la salle d’une Mutualite se levait et chantait ca a plein poumon. J’avais l’impression d’etre en 1968. Les individus y croyaient. Ils s’accrochaient. Au moment oi? tu ressortais du meeting apres ce moment-la, il y avait quelque chose qui s’etait service. Une manii?re d’emulation qu’on ne retrouvera jamais au milieu des meetings diffuses sur YouTube ou sur les chaines d’info. »